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23 juin 2010 3 23 /06 /juin /2010 23:49

Le texte qui suit est tiré du journal LA CLE, premier bulletin gabonais privé d’information, n°7 du 4 mai 1990. Il s’agit de l’Editorial qui porte la signature de Paul MBA ABESSOLE alors Président du MORENA des Bûcherons

 

 

L’instauration de la démocratie multipartiste chez nous a fait croire que tout le monde pouvait élaborer des théories politiques. Faire la politique, ce n’est pas dire le contraire de son adversaire, c’est d’abord défendre intelligemment son point de vue de telle manière que celui-ci ne soit jamais occulté et qu’il affecte sensiblement la position du concurrent. La politique n’est pas une conversation même houleuse autour d’un verre de bière dans un bistrot, comme d’aucuns se l’imaginent, elle est une science, un art, un jeu sémantique.

C’EST UNE SCIENCE…cela veut dire qu’elle est un système cohérent à l’intérieur duquel on tient tous les savoirs pour une action présente ou future. Elle exige la cohérence ou la corrélation logique des différences. Elle est une somme de savoirs, c’est-à-dire d’expériences conceptualisées.

POUR UNE ACTION PRESENTE OU FUTURE : En politique n’est science que ce qui concourt à l’action. Celle-ci est présente si elle doit, dans l’immédiat, influencer les hommes ou les choses ; future si elle est attente et préparation d’un avenir. Celui qui utilise ce système doit avoir l’intelligence suffisamment dynamique et agile pour cacher ou dévoiler des artifices pour obtenir tel ou tel résultat. Etre politique, c’est savoir inquiéter et rassurer tour à tour et ses adversaires et ses partenaires. Ici le principe de la non violence veut qu’on arrête à temps les artifices pour ne pas plonger les gens dans le délire qui est l’état politique où l’homme n’est plus capable de distinguer les réalités des apparences. L’erreur politique consiste justement à prendre les réalités pour les apparences et vice versa. Voilà pourquoi on dit que la politique est une science des initiés. Elle relève de la liberté de ceux qui la pratiquent. C’est pour cela qu’elle n’est pas exacte. Car les mêmes causes produisent rarement les mêmes effets.

 LA POLITIQUE EST AUSSI UN ART. L’art n’a pas de définition, mais s’il fallait en donner une, on pourrait dire qu’il est l’harmonie d’une multitude de formes. Ce qui plaît aux hommes, ce n’est ni la matière, ni la forme même, mais la manière dont l’objet d’art est organisé en fonction de son environnement. De même ce qui plaît dans une politique ce n’est pas le discours en tant que tel, mais la manière dont son auteur respire entre les mots, la manière dont il est présent à lui-même. Par là, il fait renaître l’espoir et le maintient dynamique.

LA POLITIQUE EST ENFIN UN JEU SEMANTIQUE. Les mots sont polysémiques et élastiques. L’intelligence humaine est capable de jouer avec eux et de leur donner une infinité de sens. Seule l’analyse du contexte peut permettre de les comprendre et de les transformer en principes d’action. Car la politique est action. L’on voit qu’il s’agit là d’un exercice pour les initiés. Il demande de la réflexion. Ce qu’une intelligence cache ne peut être découverte que par une autre intelligence qui cherche. Il est souvent désolant de voir la légèreté des jugements portés sur des décisions mûrement réfléchies. Alors, est-il impossible de comprendre la politique ? Oui, pour ceux qui sont prisonniers des apparences ou pour ceux qui courent après les postes. Ils suivent le vent et oublient que la victoire en politique est le résultat d’une détermination endurante. On ne peut faire la politique valablement que si l’on est libre. Seule une intelligence libre peut comprendre dans l’actualité le message des événements. Quelles sont les conditions pour comprendre la politique au quotidien ? Deux conditions très difficiles parce qu’elles exigent de nous d’être adultes : écouter et lire.

 ECOUTER. Je définissais ce verbe à mes jeunes élèves français autrefois comme suit : « écouter consiste à fermer la bouche, à ouvrir grandement ses oreilles afin d’enregistrer ce qu’on entend ». Combien d’entre nous savent écouter ? Ce que l’on entend, c’est souvent ce qui est secondaire. On passe à côté de l’essentiel et l’on se livre à des commentaires délirants.

LIRE. On ne lit pas ce qui est écrit, mais ce qu’on voudrait que l’auteur ait dit pour s’opposer à lui ou le critiquer. Souvent, on se contente des commentaires au lieu de ce que l’auteur a dit réellement. Immaturité ! Or, pour comprendre la politique et bien la faire, il faut se plier continuellement à ce principe. « Les choses ne sont pas ce que nous voudrions qu’elles soient, elles sont ce qu’elles sont. »

 

 

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